RÉDACTION – L’Odyssée de l’écriture : Une nouvelle ère (Texte de Othmane Marrakchi)

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Cette semaine, les participants à MAHIR partagent avec vous leur exercice de rédaction à propos du 3ème épisode du documentaire d’ARTE “L’Odyssée de l’écriture”.

Voici le texte de Othmane Marrakchi, 24 ans, participant MAHIR :

L’écriture se transforme, allons-nous changer avec elle ? La troisième partie de L’Odyssée de l’écriture nous propose une analyse des différentes transitions qu’ont connues les civilisations en matière d’écriture.

La révolution industrielle en Occident s’est caractérisée par l’alphabétisation de masse, différentes langues sont écrites en alphabet latin. En Orient par contre, les choses avancent moins vite, certains modèles d’écriture traditionnels semblent ralentir le développement de certains pays et accentuent l’illettrisme. Des dirigeants ambitieux vont donc s’inspirer de la culture occidentale pour se moderniser.

À Istanbul, après 600 ans de règne, l’Empire Ottoman prend fin avec la Première Guerre mondiale. Atatürk monte au pouvoir, officier ottoman, il a pour projet de moderniser ce qui reste de l’Empire ottoman. Le turc n’étant pas adapté aux lettres arabes, il opte pour l’alphabet latin. Avec 90% d’illettrisme, le défi était rapide à relever. L’interdiction formelle d’utiliser l’ancienne écriture en lettre arabe en revanche va causer un traumatisme psychologique et culturel pour beaucoup de gens car, de un, c’est l’alphabet du Coran, et de deux, cela a causé une rupture des nouvelles générations avec leurs ancêtres. Mais l’objectif d’Atatürk bien défini, il voulait changer la nature de l’identité turque pour l’éloigner de son passé islamique, et la rapprocher de l’Occident.

Au 19ème siècle, l’Union soviétique, sous la direction de Lénine, a mené une politique de latinisation pour se débarrasser de l’héritage du Tsar. En 1929, l’Ouzbékistan a remplacé l’alphabet arabe par l’alphabet latin puis par l’alphabet cyrillique en 1940 pour rebasculer finalement vers l’alphabet latin en 1993.

Au 20ème siècle en Chine, il n’y avait toujours pas d’industrialisation, l’économie était faible et en proie aux puissances occidentales. Les dirigeants estiment alors que les caractères chinois étaient difficiles à apprendre et étaient la cause de l’illettrisme. En 1893, des protestations populaires dénoncent la situation économique du pays, après 30 ans de révolte, certains dirigeants suggèrent donc de s’inspirer des lettres occidentales. En 1930 l’Union soviétique propose le Latinxua Sinwenz (la nouvelle écriture latine).

Vers la fin des années 40, les deux styles d’écriture sont toujours utilisés, le chinois traditionnel résiste, et pour cause, les caractères chinois lient les différents peuples de la Chine entre eux. Ils sont le garant de l’unicité de la Chine, ils permettent de dépasser le problème des dialectes, car une fois écrits, tout le monde comprend. En 1949, la République populaire de Chine est fondée, le président Mao enterre discrètement le projet de latinisation des caractères chinois, mais le problème de l’alphabétisation de masse n’est pas pour autant réglé.

On a longtemps pensé que la latinisation était un moyen efficace pour régler le problème de l’illettrisme et construire une société plus moderne, sous prétexte que le latin est plus simple à assimiler. Cela semble avoir marché pour la Turquie, mais cela est-il prouvé ? L’expérience menée par la neuroscientifique Tae Twomey démontre que peu importe l’alphabet utilisé, notre cerveau réagit de la même manière, qu’il s’agisse de caractères chinois, du latin, ou encore du kanji. Ce sont les mêmes régions du cerveau qui sont stimulées et sollicitées. L’alphabet n’est pas la clé de l’alphabétisation de masse, c’est l’éducation de masse qui est la solution.

Même aujourd’hui, l’écriture continue de se transformer, le «Hanyu Pinyin», ce mode d’écriture utilisé par les chinois est une menace pour l’écriture traditionnelle, tout comme le franco l’est pour l’alphabet arabe. Si la transformation de l’écriture est un processus inévitable, nous pouvons alors nous demander quel impact cela aura sur notre identité, sommes-nous condamnés à converger vers l’écriture universelle qui débouchera sur une culture monochrome ? Depuis 5000 ans, l’écriture a été dépositaire d’une identité culturelle et religieuse difficile à exprimer par des mots, car quand nous écrivons, notre identité s’exprime dans chaque caractère formé qu’ils aient un sens ou non.

Cela m’amène au débat que nous avons eu en fin de séance, après le visionnage de ce troisième épisode de la série. Aujourd’hui, nous marocains reconnaissons comme langue officielle l’arabe, nous l’enseignons dès le tout jeune âge à nos enfants, nous l’écrivons, et lisons avec, mais quand il s’agit de parler, nous utilisons le dialecte Darija, cela a un impact considérable sur l’accès à l’information. Est-il envisageable alors d’introduire notre dialecte dans nos écoles ?

Personnellement, c’est une idée qui me séduit, je ne souhaite pas prendre position là-dessus, mais je suis POUR le débat. Il y a plusieurs aspects à prendre en considération avant de pouvoir trancher sur l’efficacité d’une telle réforme, mais la question mérite d’être discutée. Cette dernière partie du documentaire nous apprend que l’écriture ne cessera jamais de se transformer, à nous de nous approprier le modèle d’écriture qui nous convient, car après tout, c’est l’accès à l’information qui compte.

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