En l’espace de quelques jours, les participants à MAHIR Center ont eu le plaisir de rencontrer et d’échanger avec Mme Inès Safi, chercheuse en physique théorique au CNRS en France, et M. Ali Benmakhlouf qui est professeur en philosophie de la logique dans plusieurs universités internationales de renom.
La question centrale que nous nous posons à MAHIR Center est toujours la suivante : comment parvenir à outiller les jeunes marocains pour qu’ils s’épanouissent et deviennent acteurs du développement de notre pays ?
Le parcours d’Inès Safi montre de façon parlante comment l’articulation entre ouverture et ancrage culturel est possible de nos jours. De nationalité tunisienne, elle est diplômée de polytechnicienne et est reconnue pour ses travaux de recherche scientifique dans le domaine de la physique théorique. Formée en France, elle avait une grande ouverture sur les sciences et la culture européenne et, comme elle le reconnaît elle-même, une connaissance limitée du patrimoine culturel arabe et musulman. Depuis 2005, elle s’est penchée avec d’autres chercheurs sur les liens entre science et religion, ce qui l’a poussé à découvrir les écrits des philosophes, scientifiques et théologiens ayant existé en terre d’Islam. En se réappropriant cet héritage culturel, elle a commencé à écrire des articles et ouvrages sur des sujets sortant de son champs de spécialité initial : la place de la femme dans l’Islam, science et spiritualité… Son cheminement personnelle, empreint d’humilité face à la connaissance, a mené Inès Safi à la conclusion qu’il est dommage de réduire l’Islam uniquement a un ensemble de lois contraignantes et immuables, en excluant le patrimoine artistique et littéraire produit en terre d’Islam et qui fait pleinement partie de l’héritage collectif de tous les musulmans. Ce patrimoine mérite d’être valorisé et transmis, dit-elle. Pour permettre cette transmission, il faut établir un climat permettant de développer la pensée critique éclairée et de travailler sur nous-mêmes pour nous ouvrir, nous aimer nous-mêmes, aimer notre culture et nous faire confiance.
Ali Benmakhlouf a, quant à lui, dédié toute sa carrière à la valorisation du patrimoine intellectuel que nous ont légué les grands penseurs du monde arabe médiéval. Ayant étudié les mathématiques et la philosophe, il s’est spécialisé en philosophie de la logique et plus récemment en philosophie de la médecine. Pendant son intervention à MAHIR Center, Ali Benmakhlouf a rappelé que les écrits d’Ibn Rochd ont considérablement inspiré la pensée philosophique européenne. Près de vingt ans après la mort d’Ibn Rochd, tous ses écrits d’Ibn Rochd ont été traduits en Europe. Cela a donné naissance à un courant philosophique avéroïste avant que l’Eglise n’interdise l’usage des thèses d’Ibn Rochd en 1278. Cet héritage a été assimilé et anonymisé par les philosophes de la Renaissance européenne, imprégnant ainsi de façon invisible et durable la pensée philosophique occidentale. Ali Benmakhlouf nous rappelle que nous devons nous réapproprier l’héritage de tous les grands penseurs ayant écrit en arabe.
L’éducation au Maroc aujourd’hui ne valorise ni Ibn Rochd, ni Al Farabi, ni Ibn Khaldoun, ni tous les autres penseurs de même rang dont les écrits pourraient être utilisés pour développer l’esprit critique et « élever la pensée au niveau du concevoir », comme le réclame M. Benmakhlouf. A MAHIR Center nous considérons qu’il est de notre devoir d’offrir aux jeunes la possibilité de découvrir et de s’imprégner de ce patrimoine intellectuel. En faisant cela, nous contribuerons à créer un socle culturel qui nous aidera à nous ouvrir positivement au monde.
