Résidence théâtrale avec Amal Ayouch

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Du mercredi 31 mars au 02 avril 2021, les participants de la cellule M’Ssrah ont été immergés dans le cadre d’une résidence artistique sous la direction d’Amal Ayouch, actrice et metteur en scène marocaine.

L’objectif était de présenter, à la fin de la résidence, l’avancée des répétitions de six scènes de “La Vie de Galilée”. Nos jeunes ont réussi, en seulement trois jours, à monter une pièce retraçant la vie tourmentée du savant italien.

  

Ci-dessous, un texte d’Amal Ayouch sur cette expérience :

Devoir avancer en trois jours sur la mise en scène d’un spectacle et avoir à montrer le troisième jour une présentation du travail n’a pas été une mince affaire.

Arrivée mercredi matin vers 11h à Benguerir, je retrouve l’équipe dans une salle de l’université UM6P, il a vite fallu prendre la température de l’ambiance pour opérer au mieux. Après quelques échanges, je réalise que la semaine précédente de confinement a affecté bon nombre de participants, tant sur le plan moral, que sur le fait qu’ils n’ont pas pu se retrouver pour répéter.

La bonne nouvelle, c’est que trois participants au programme MAHIR se sont joints à l’équipe, la moins bonne nouvelle, c’est que presque tous les camarades qui ne font pas partie de la troupe ont quitté Benguerir pour des stages ou autres. Nous ne pourrons donc pas compter sur leur soutien pour nous assister dans des tâches autour de la pièce, telles que nous aider dans les décors, costumes… Nous avons donc pour mission de tout faire.

Je décide de commencer par les dernières scènes que nous n’avons pratiquement jamais travaillées, puis de passer rapidement en revue toutes les scènes, pour donner à l’équipe une vision de l’ensemble de la pièce. Il manque des personnages qui ne sont pas encore arrivés, on met des remplaçants en espérant qu’ils arriveront vite… En fin de journée, pour motiver les jeunes et les inciter à se projeter dans un spectacle tout en prenant du plaisir, je les invite à réfléchir aux costumes. Chacun ramène des propositions pour son personnage et aussi des propositions pour les autres. Puis nous nous rendons au souk de Benguerir où nous effectuons quelques emplettes. L’ambiance est meilleure.

Jeudi matin, j’apprends qu’une des participantes qui joue deux personnages a eu une intoxication alimentaire, c’est elle qui devait aussi se charger de coudre les costumes pour les cardinaux de l’église pour qui nous avons acheté la veille un beau tissu en velours rouge. On la remplace pour avancer, en attendant qu’elle aille mieux. On répertorie au fur et à mesure les éléments de décors et accessoires dont nous aurons besoin, et après la pause déjeuner, nous nous rendons à la villa pour ramener tout ce qui peut être utile. Nous demandons de pouvoir d’ores et déjà bénéficier de la scène de l’amphithéâtre où il est prévu de jouer le lendemain. Après quelques difficultés nous pouvons avoir davantage de lumière sur scène et travailler. Mais il est déjà plus de 16h.. Vite il faut avancer et tâcher de tout revoir, cette fois avec les éléments scéniques, et pour ceux qui le peuvent en costumes. Je sens que la tension monte et que ce n’est pas idéal pour le travail. Moi-même me sens sous pression, je suis obligée de redoubler de consignes, d’être parfois très directive. Pour arriver enfin à régler la cinquième scène qui est difficile et qui marque la tension maximale de la pièce. Quand nous nous quittons il est plus de 23h30.

Vendredi matin, j’apprends que des messages ont circulé sur le trop plein de pression subie par les étudiants la veille… Avec Hélène, nous décidons de démarrer par un cercle de partage, nous essayons à nouveau de mobiliser l’équipe… On sent que c’est difficile. Je prends aussi vite conscience qu’il sera impossible de jouer la pièce en continu, sans interruption. Il y a des changements à faire entre les scènes, pour le décor mais aussi des costumes pour ceux qui jouent plusieurs personnages. Ils n’auront pas le temps de tout mémoriser. Il vaut mieux se concentrer sur leur jeu.
Heureusement la candidate malade a retrouvé la santé, en tous cas suffisamment d’énergie pour ne pas nous lâcher et même coudre rapidement les demi capes des cardinaux. Le jeune qui l’a remplacé la veille souhaite garder un des personnages auquel il a pris goût. Je suis contente de cela, c’est une marque d’intérêt et de plaisir du jeu.

À la pause de la mi-journée, nous nous retrouvons avec un petit groupe pour manger ensemble, cela fait du bien de faire davantage connaissance. Je me dis que cela a manqué de faire des repas ensemble, avec tous. Eux aussi me font cette remarque, en pensant aux membres de l’équipe MAHIR absents avec lesquels ils auraient aimé partager cette expérience.
Nous reprenons ensuite le travail pour passer en revue les scènes restantes. Je n’ose plus faire de remarques ou donner de nouvelles indications, pourvu qu’ils retiennent ce que j’ai déjà dit.

À un peu plus de 16h, j’annonce que nous allons démarrer pour filmer, comme convenu, toute la pièce. Je rassure sur le fait qu’un temps sera donné entre chaque scène pour les changements. Avant de démarrer, nous faisons tous un cercle sur scène, pour marquer ce moment important ensemble : « certes, j’ai dit, beaucoup de stress ces derniers jours, mais nous allons montrer un travail honorable, dont nous pouvons être fiers. Certes, il n’y pas de public, Mamoun a fait le déplacement, merci, mais sachez que nous au théâtre nous croyons aux fantômes, surtout quand on travaille sur une pièce historique, avec des personnages qui ont réellement existé. Alors sachez qu’aujourd’hui, ils seront là avec nous dans cette salle pour nous soutenir, et heureux qu’on leur rende hommage. Promis, cette pièce vous la jouerez devant un vrai public, d’ici là, elle aura mûri, et elle n’en sera que meilleure ».

Concernant le choix du texte : j’ai pu constater durant les premières séances la réticence des participants qui n’ont vu là qu’un texte compliqué autant dans la compréhension que dans le jeu.. Mais au fur et à mesure des répétitions, des indications de jeu, j’ai vu leur regard s’éclairer. Cette pièce est un vivier très intéressant de personnages, de situations et de sujets à réfléchir, qui en sommes, même si le texte date du 17è siècle, sont proches de nous. C’est ce que j’ai essayé d’expliquer au fur et à mesure du travail. Ainsi nous avons là toutes les couches sociales qui se rencontrent, des simples d’esprit avec leur bonhomie, des intellectuels intègres, un scientifique passionné en quête de vérité, des professeurs complaisants, des figures d’autorité, le pouvoir religieux, l’enfant au regard neuf…

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