RÉDACTION – Juifs du Maroc : comment j’ai trouvé la photo de mon père (Texte de Aslam Wachofi)

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Cette semaine les participants MAHIR partagent avec vous leur réflexion à propos de le vidéo « Juifs du Maroc : comment j’ai trouvé la photo de mon père​ »

Voici le texte de Aslam Wachofi, 27 ans – participant à MAHIR Center :

En prenant la direction de Bab Doukala sur l’avenue Moulay Hicham, que personne ne reconnait par ce nom mais plutôt par « Triq El Hellouf » (route du sanglier, ou du porc), alors que j’étais lycéen à l’époque, j’ai croisé des visiteurs habillés en Bekeshe, Kippas et portant des Tsitsits devant le Mausolée Haïm Pinto. Ce mausolée est situé au carrefour de cette avenue avec celle nommée « Ghazouat Badr », entre les 3 cimetières (deux juifs et un chrétien). Je marchais en les observant, mon corps à Essaouira, mon esprit en Palestine. L’un des messieurs, qui a remarqué que je les fixais des yeux, me sourit et me lance de loin « Salam Aleikoum ! ». Je ne réponds pas… Il le répète une seconde fois, je ne réponds toujours pas !

Un autre jour je tombe sur une carte d’Essaouira avec toutes les synagogues, anciennes et survivantes. Je sentais des frissons, des battements de cœur qui s’accélèrent, une peur d’être « réenvahis ».

Petit, j’avais du mal à « situer » les juifs entre le bien et le mal, ou s’il y en a vraiment des « modérés » et des sionistes. Je ne comprenais plus s’ils étaient nos cousins, nos voisins, les Ahl Al-Kitâb (Gens du Livre) ou nos pires ennemis. J’ai entendu toutes ces belles histoires de coexistence quand des juifs qui confiaient leurs enfants aux voisins musulmans, ou quand ils leur apprenaient des métiers, ou encore quand tout le monde se réveillait à l’aube pour se préparer aux prières, certains derrière un imam, d’autres avec un rabbin… Et à l’inverse je voyais le regard méfiant porté envers cette communauté, les accusant d’être derrière tout type de maux et de complots. Ces accusations qui s’accentueront avec l’évolution des évènements au Moyen-Orient.

Parmi les 200 000 ou 300 000 personnes de confession juive qui vivaient au Maroc jusqu’au XXe siècle, on estimait que la petite forteresse comptait plus de 7000 juifs Souiris, c’est-à-dire plus de 60% des habitants de la ville qui comptait également des chrétiens. Il y en reste moins d’une dizaine aujourd’hui. Il est pourtant difficile de compter la communauté juive marocaine résidant à l’étranger. Néanmoins, on considère qu’il y en a plus d’un million en Israël, et selon Serge Berdugo en 2018, environs 150 000 en France et 40 000 au Canada.

Le temps passe, et les idées changent aussi, parfois. J’ai pu rencontrer et échanger avec d’autres juifs de l’étranger qui viennent fréquemment à Essaouira, soit pendant les commémorations, événements religieux, soit pour maintenir les liens avec leur bled d’origine et le faire découvrir à leurs enfants. Certains font des dons notamment à des associations ou des organismes caritatifs locaux à titre d’exemple.

Je suis donc fier d’être natif du dernier berceau des juifs marocains, symbole de fraternité et de cohabitation, et regrette tout le temps que j’ai gaspillé dans la haine.

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