“J’ai eu la chance d’être accueilli au Connect Institute d’Agadir et de pouvoir y observer des ateliers animés par des étudiants du Mahir Center de l’UM6P, dans lesquels il s’agissait de lectures et de débats à partir de textes philosophiques. Au départ, l’une des raisons m’ayant donné envie d’aller observer ces communautés alternatives d’apprenants venait d’une réflexion en lien avec mes thématiques de recherche : la création d’outils d’évaluation des compétences. En effet, si d’un côté il est souvent absolument évident pour les membres de communautés d’apprentissages que les étudiants évoluent semaines après semaines, il est en général beaucoup plus difficile d’avoir des outils de mesures qui arrivent à capturer ces changements chez les apprenants. En particulier lorsqu’il s’agit de compétences complexes et multidimensionnelles comme « l’esprit critique » ou « la communication ».
C’est donc dans cette optique de recherche d’outils de mesure appropriés que je suis arrivé dans l’écosystème Mahir/Connect. Mais j’ai rapidement senti que ma réflexion initiale « sonnait faux » et que j’allais tirer bien plus de cette expérience et de ces rencontres humaines qu’une réflexion purement technique sur des outils de mesures de compétences.
Dès le trajet en bus de Ben guerir à Agadir avec certains des étudiants du Mahir Center, et encore d’avantage à Agadir en observant les ateliers destinés aux jeunes du Connect Institute, j’ai été frappé par le rapport au savoir et à la connaissance que j’ai pu sentir chez ces jeunes Marocains. Leur façon de me poser des questions, leur curiosité profonde, le fait qu’ils lisent des livres universitaires pendant leur temps libre « juste pour le plaisir », … tout ça ne ressemble pas vraiment à l’étudiant typique que j’ai eu l’habitude de croiser au cours de ma jeune carrière d’enseignant-chercheur.
En quelques heures au contact de ces étudiants, mes réflexions sur les outils de mesures de compétences se sont transformées en questionnements plus profonds sur ce que je voudrais vraiment essayer de transmettre à mes étudiants, au-delà des contenus et des compétences : un véritable goût pour les situations d’apprentissages plutôt que pour leurs produits, un rapport au savoir différent – moins lié à l’évaluation. Finalement je me dis s’il n’y avait qu’une chose à mesurer chez les apprenants ce serait sans doute par là qu’il faudrait commencer.
Je suis sincèrement reconnaissant auprès de tous les membres du Connect Institute d’Agadir pour leur accueil chaleureux, leur gentillesse, et surtout pour m’avoir permis de me reconnecter à cet élément essentiel de ma mission d’enseignant. Si j’ai maintenant peur que mon quotidien m’en éloigne à nouveau, j’espère qu’avoir la chance de rester en contact avec les apprenants de ces communautés me permettra de rester proche de ce principe central à mes yeux : en tant que passeur de savoir, tout se passe comme si j’essayais d’amener les apprenants le plus haut possible sur la montagne des connaissances et des compétences. Or peut-être devrais-je penser plus souvent à essayer de leur donner du plaisir à gravir eux-mêmes la pente.”
