Imane, apprenante MAHIR, à la recherche du cimetière Dilaï

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Dans le cadre d’un exercice de curiosité qui consiste à partir sur le terrain pour découvrir des monuments et des sites historiques au Maroc. Imane, participante MAHIR, est allée à Fès, sa ville natale, en quête d’un cimetière Dilaï.

Voici ce qu’elle a rédigé suite à son expérience :

À Fès, un cimetière de grands savants, oulémas et penseurs marocains Dilaï, a été  remplacé par un parking.  
Sans avoir la moindre idée de son endroit exact ou encore des détails de ce maudit  changement. Je me rends sur place pour faire mon enquête. Malgré la contrainte de temps,  j’ai pu passer une matinée à explorer cette partie de ma ville natale.

Le dimanche 13 mars, par un temps nuageux et froid, je me dirige de bonne heure  vers l’ancienne médina de Fès. Accompagnée de mes parents, je me précipite vers Bab  Alhamra, qui, comparé au Bab Ftouh, quartier qui l’abrite, est relativement petit. 

Porte de Rass Laqliaa, Fès.
Porte de Bab LHamra, Fès.

Une fois qu’on a franchi cette porte, plus rien pour me guider sauf le nom de ces oulémas qui sillonnaient ces rues dans le 17ème siècle. 

Le cimetière, redevenu Parking, est dans les parages, mais aucun indicateur pour me rendre au bon endroit, sauf une photo que je décide de télécharger pour essayer de la calquer sur le paysage une fois sur place.

J’étais plutôt optimiste et confiante. En avançant, je décide de demander à un homme qui  apparemment frôlait les quatre-vingt-dix ans, assis sur le porche de son atelier de menuiserie.  Ses cheveux gris et son visage ridé indiquaient que la ville n’avait pas de secret pour lui. Je lui demande s’il connaissait le cimetière, la famille, ou encore la zaouïa. Toutes les réponses étaient négatives. Il disait n’avoir jamais entendu ce nom même si sa famille vivait dans ce quartier depuis plusieurs générations. Je lui montre la photo, en vain.

Je décide de continuer ma quête, je rencontre un autre homme âgé, l’un des rares passants,  puisque le dimanche à cette heure, les ruelles de l’ancienne médina sont presque désertes. Je lui demande s’il connaissait la zaouïa Dilaiya, il me répond que oui, il enchaine avec d’autres informations. Les Dilaï sont une famille qui a vécu à Bab Alhamra depuis des décennies, ils ont toujours une maison quelque part dans le quartier, mais la plupart ont dû quitter Fès. Je me renseigne alors sur le cimetière. La personne me confirme la présence de plusieurs cimetières dans cet endroit, en revanche, plusieurs aménagements de la zone ont eu lieu, et donc plusieurs cimetières ont été remplacés soit par des bâtiments, soit par des parkings. Il  ajoute : « Sous tes pieds, il doit y avoir un cimetière, peut-être même que c’est bien celui que  tu cherches ». J’ai eu quelques frissons. Je lui rappelle que le cimetière en question a été remplacé par un parking et lui montre la photo. Il prend son temps puis me demande la date de la prise de cette photo, je dis que c’est pendant les années 80 (je n’étais pas sûre, c’était juste l’année de sortie du livre de Mohammed Hajji).

La question change aussitôt, désormais, c’est : quel est le premier parking qui a été aménagé  dans ce quartier. La réponse est aussitôt celui du centre hospitalier du coin (bâtis par les français), datant des années 40, donc pendant la colonisation. Il ajoute que c’était  uniquement pour la voiture du médecin et quelques voitures de service.
Je me rends sur place pour explorer le lieu et essayer de voir si ça colle avec la photo.

Centre de santé Al Adoua, et parking du quartier à Fès.

Je redemande à mon grand-père cette fois-ci par téléphone, je cherche le cimetière des oulémas Dilaïs qui a été remplacé par un parking. Il me reconfirme que le premier parking  était celui-ci, et que le deuxième était non loin de là, je me dirige alors vers cet endroit.

On me dit que là, précisément, il y avait un parking et que tout ce qui l’entoure était  récemment aménagé. Je retrouve quelques similarités avec la photo. Mais, pas assez.

Un autre bâtiment m’interpelle, non loin de l’endroit, il s’agirait d’un cimetière familial très  ancien qui a été préservé jusqu’aujourd’hui. Les murs sont très anciens et détériorés. Je  m’approche de l’endroit, je demande à un jeune homme debout à l’entrée ce qu’il y a dedans. Il me dit qu’il s’agirait d’un ancien cimetière d’une famille Fassie. Sauf qu’aujourd’hui, il sert d’atelier de fabrication de mosaïque.

Après un passage par tous les parkings aménagés dans cette zone, je constate que celui en  question devrait être l’un des deux. Mais lequel exactement, je n’ai pas pu savoir.

Les indicateurs cités dans le livre de l’écrivain Mohammed Hajji « Zawiya Dilaiya » mènent  dans les deux endroits (parkings) que j’ai pu visiter. Et avec ce que disent le peu de gens qui  connaissent le nom (Dilaï), j’ai pu constater qu’évidemment le cimetière des oulémas  Dilaïs n’a plus aucune trace, puisque comme c’est le cas de nombreux cimetières, un  aménagement urbain insensé a effacé ce qu’il restait de ces lieux.

Ce que j’ai pu retenir de cette sortie est que ce qui est arrivé à ma ville, avec toute la richesse  de son patrimoine historique, est désolant. J’ai pu en discuter davantage avec mon grand-père, qui m’avait parlé longuement de la décadence de tout un patrimoine. La grande majorité des gens avec lesquels j’ai parlé ignorent qui sont les Dilaïs, peu  connaissent la Zaouïa et personne ne connaît la localisation exacte de leur cimetière.

Le besoin de connaitre davantage sur notre histoire est bien là, il est évident de par le fait  qu’une cité qui regorge d’histoire et de culture, ne doit en aucun cas être aussi négligée.

برنامج تهيئة مواقف للسيارات و رد االعتبار للفضاءات العمومية ووضع نظام تعريفي للمدينة القديمة  اشغال تهيئة مواقف .للسيارات بباب الحمرا  

À la sortie, j’aperçois cette pancarte.  
‘’Réhabilitation’’, détermination des noms de quelques quartiers (sans aucune autre  indication ou description des lieux), aménagements de parkings. On fait tout le contraire de  ce qui doit être fait…

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