AGORA 1

AGORA 1 : Abdesselam Aboudrar

Mon parcours a été porté par les événements, je n’ai vraiment pas de mérite particulier sauf d’être fasciné par l’étude, la lecture et j’essayais de faire bien ce qu’on me propose. Donc je garde de cette partie de ma vie, de cette enfance, un sentiment de bonheur immense, une liberté.
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Merci à Connect Institute de me donner cette opportunité bien qu’il soit toujours difficile de parler de soi-même pour quelqu’un de plutôt introverti, mais il semblerait que les introvertis soient maintenant revenus en grâce. Alors merci à toi Najlae pour le clin d’oeil, j’avais oublié que j’avais été un petit monstre, mais j’étais aussi quelqu’un de très serviable dans cette rue de Salé: j’étais celui qui amenait le pain au four pour tout le quartier. J’avais la chance de bénéficier du système de rotation: j’ai commencé mon primaire en 1956 et il n’y avait pas beaucoup d’écoles. Mes cours étaient de 7h du matin à 10h et de 13h à 16h. Donc je revenais un peu tôt de l’école à 10h, le moment où le pain était là et je commençais à faire la corvée du pain.

Je suis natif de Salé. Mes parents sont de cette région, mon père de Tiznit et ma mère de Tafraout. Je suis au milieu d’une fratrie de 11, les deux ainés étaient vraiment en avant garde à l’époque. L’aîné mort il y a longtemps, était fou de musique, il a fait de la musique classique, avec son orchestre. L’autre qui l’a suivi a fait la sociologie, il était à l’Institut Sociologique qui a été fermé ensuite et il faisait de la peinture. Donc moi, j’ai passé mon enfance dans la musique, dans les livres parce qu’il y avait plein de livres chez nous et j’en ai gardé une passion.

Ensuite j’ai fait le lycée public, le lycée Moulay Youssef en particulier, j’en ai gardé de très bons souvenirs. Là aussi j’ai fait de la lecture, j’ai joué beaucoup au babyfoot, beaucoup de musique, beaucoup de cinéma. Comme il n’y avait pas de lycée à Salé, j’étudiais à Rabat, et on économisait sur le parcours pour voir tous les films.

Pendant toute cette période, j’ai fait très peu de militantisme contrairement à l’image qui voudrait qu’on a toujours été militant. Salé était une ville militante très marquée à gauche mais un militantisme que je voudrais voir revenir, c’est à dire le cinéclub, les clubs de jeunesse, …le militantisme actif et non polarisé partis politiques.

Ensuite j’ai été à Casa pour faire Math Sup/Math Spé. Là aussi j’ai été porté par les choses. J’ai été bon en maths parce que j’ai eu de bons profs qui m’ont encouragé et donc à l’époque on ne se posait pas la question si on pouvait y aller, on avait la bourse automatiquement à l’époque, c’est quelque chose d’important.

Paris est un tournant très important dans ma vie parce que je suis arrivé juste après “68”, je suis arrivé en 70. J’ai eu une vie intense aussi bien sur le plan des études que sur le plan du militantisme, de l’ouverture, c’est à dire tout ce qu’on a vu. Et donc c’est là que j’ai fait l’école de militantisme et j’ai mené une vie intense.

Naturellement je me suis rapproché de l’extrême gauche. Je suis rentré au Maroc, ça m’a valu d’entrer en prison une année après, sans vraiment avoir rien fait au Maroc qui mérite d’aller en prison pour 5 ans. C’était simplement parce que je me suis trouvé dans un maelstrom.

Qu’est ce que je garde de la prison? C’est la plus grande école parce que j’ai rencontré des gens formidables. On a eu toutes sortes de luttes idéologiques, mais des gens très dignes qui étaient là pour leurs convictions. Le plus jeune avait 16 ans et le plus âgé devait avoir 28 ans.

Il faut simplement dire que, l’après découle d’une remise en cause. La profession c’est important, construire le pays c’est quelque chose d’important, alors qu’avant le militantisme passait avant tout. Ceci dit, il y a le Maroc à construire, il y a des choses à faire et si on a eu plein de choses du Maroc il faut qu’on les rende, en visant l’excellence dans ce qu’on fait. Deuxième chose, il n’y a pas que le plan professionnel, il y a aussi le plan institutionnel, les idées…

Donc il faut faire les deux. J’ai toujours fait les deux quitte à ce qu’il y ait parfois des contradictions.

Finalement pourquoi je fais tout ça? Valeur d’aujourd’hui comme on dit:

1- je suis une personne apprenante et je me suis rendu compte que dans ma carrière j’ai beaucoup changé de boulots. Parfois au bout de 6 mois je change de boulot. Quand j’apprends pas à grandes doses, ça ne m’intéresse pas. Je ne suis pas productif.

2- L’histoire du pain que je portais au four, c’est à dire être utile. Je suis heureux quand je suis utile.

Et quelqu’un a dit qu’il y a deux sortes de personnes, les égoïstes – égoïstes et les égoïstes – altruistes. Ils le font parce que ça leur fait plaisir et non pas pour les beaux yeux des gens. Je crois que je fais partie de la deuxième catégorie.

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