Approfondir pour s’élever

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Interrogé sur son livre préféré, Abdelfattah Kilito avait répondu lors de son intervention à MAHIR Center : Le château de Kafka.

Nous recommandons sans cesse à nos participants de toujours vérifier et creuser les références mentionnées par nos intervenants. C’est ce que je fais moi-même et c’est ce que j’ai fait en allant retrouver et parcourir les pages de ce livre. Au passage, je tombe sur ces quelques lignes que j’avais soulignées: « Quand quelqu’un a les yeux bandés, tu peux l’encourager autant que tu voudras à s’écarquiller les yeux pour voir à travers le bandeau, il ne verra jamais rien ; ce n’est que si on lui enlève le bandeau qu’il y verra. »

L’éditeur a jugé utile de mentionner à la fin du livre, resté inachevé, une liste d’ouvrages critiques. L’un d’entre eux attire mon attention, écrit en 1963 par Marthe Robert et intitulé : L’Ancien et le nouveau. De Don Quichotte à Franz Kafka. Je cherche, je trouve ce livre et me le procure.

Ensuite, je vais tout droit sur ma radio préférée, France Culture, voir si une quelconque émission a été consacrée à cette critique littéraire spécialiste de Kafka.

Je tombe alors sur une émission de 2016 qui rediffuse un entretien réalisé en 1966 sous le titre : Marthe Robert sur Don Quichotte : “Personne n’échappe à cette intrusion de la littérature dans la vie ». Emission présentée en ces termes : « Dans son essai L’ancien et le nouveau, elle analysait deux romans, Don Quichotte et Le Château de Kafka, qui, selon elle, posent tous deux la question de la vérité des ouvrages de fiction et des relations entre les livres et la vie. »

Je me répète alors cette phrase : personne n’échappe à l’intrusion de la littérature dans la vie. Et je me demande ce que cela vaut si on remplace la vie par sa vie …

Ca suite aux yeux, non ? La littérature est faite pour décoder, déchiffrer la vie. Et la vie, de son côté, nourrit, oriente, la littérature.

Je me demande alors comment est-ce que l’on est arrivé à couper, ignorer, ce lien qui existe de toute évidence entre la littérature et la vie. Comment en sommes-nous arrivés au point de dévaloriser cette correspondance entre la vie et la littérature.

Je formule dans ma tête une série de questions que l’on pourrait poser à n’importe qui : Quand avez-vous entendu parler d’amour pour la première fois de votre vie ? De haine, de jalousie ? Quand avez-vous donné un nom, un descriptif à ces sentiments que tout être humain ressent, dès sa naissance ?

La famille, l’entourage, bien entendu, jouent un rôle essentiel dans la mise en correspondance d’un sentiment et de son descriptif. Vous êtes en fait un maillon d’une chaîne de transmission de la description des sentiments, des émotions.

Quelqu’un, au tout début a commencé le travail, oralement puis l’ascendant est pris par l’écrit avec les progrès techniques, en écriture et en impression.

Les écrivains écrivent, et les lecteurs deviennent des véhicules de portage de la littérature, en aller et retour, avec la vie.

Les chaînes se mettent en place entre lecteurs et nos lecteurs et entre écrivains eux-mêmes. Marthe Robert démontre qu’il n’y aurait pas eu d’écrivain du nom de Flaubert (né en 1821) sans un autre écrivain, deux siècles plus tôt, du nom de Cervantes (mort en 1616). Voilà ce qu’il en dit lui même d’ailleurs : « Je retrouve mes origines dans le livre que je savais par coeur avant de savoir lire : Don Quichotte. »

Quand je préparais mon engagement sur la voie de contribuer au changement par la culture, j’avais énormément profité des idées et indications un article Toward Cultural Citizenship paru en 2014 dans Harvard Magazine.

Je retrouve cet article qui cite, entre autres, Stephen Greenblatt, professeur et avocat infatigable de la reconsidération de la place des humanities dans les universités américaines. Il discutait avec un autre professeur des fameux case studies de Harvard Business School utilisés pour former les dirigeants d’entreprises. « Figuring out the threads in these stories and why people behave the way they do has been the subject of literature for the last several thousand years. »

Je relis avec grand plaisir cet article et j’y redécouvre un projet assigné aux étudiants d’un cours de Harvard. Un projet qui consiste à revisiter le célèbre court-métrage réalisé en 1956 par le célèbre cinéaste français Alain Resnais, sous le titre Toute la mémoire du monde.

Ce court-métrage, un documentaire exceptionnel, sur la Bibliothèque Nationale de France où sont préservés soigneusement les oeuvres écrites les plus banales comme les trésors les plus précieux. Un documentaire qui commence par cette phrase : « Parce que leur mémoire est courte, les hommes accumulent d’innombrables pense-bête ! »

Je creuse encore (merci Google) et je trouve un document intéressant écrit dans la revue 1895, spécialisée dans l’histoire du cinéma, par Alain Carou qui passe en revue les détails historiques et techniques du parcours de réalisation de ce court-métrage.

Ce texte devient un peu long. Je m’arrête d’écrire. Mais je continuerai de creuser, d’approfondir. Pour mieux profiter de cette période de confinement en souhaitant susciter l’envie à tous nos participants de faire de même. Faites le ! Vous éprouverez une joie incomparable !

Finissons ce texte comme on l’a commencé avec cette citation de Kafka : « Quand quelqu’un a les yeux bandés, tu peux l’encourager autant que tu voudras à s’écarquiller les yeux pour voir à travers le bandeau, il ne verra jamais rien ; ce n’est que si on lui enlève le bandeau qu’il y verra. »

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